Le comité de la Royale Fraternelle de l’Armée Secrète de Ciney avait mis les petits plats dans les grands pour accueillir le plus grand nombre de personnes sur le site du monument de Jannée et pour y fêter, sous le soleil, un tel anniversaire.
Des représentants des 5 communes (Ciney, Hamois, Havelange, Rochefort et Somme-Leuze impliquées dans la bataille de Jannée étaient présents ainsi que Guy Derasse, Vice- Président National de la CNPPA, Jean Cardoen, directeur du Département Médiation Muséal du WHI, des militaires, de nombreux porte-drapeaux, membres d’associations patriotiques voisines et sympathisants ont assisté à cette cérémonie.
Comme d’habitude, la journée démarre avec une messe célébrée cette année par Jean-Pierre Bakadi, curé de la paroisse voisine de Sinsin accompagné par la chorale de Si de Là du même village (qui a interprété le chant des partisans pendant la cérémonie) et du Cercle Instrumental de Ciney.
Rappels historiques
Claude Clarembaux, président de la Royale Fraternelle de l’Armée Secrète de Ciney a rappelé les événements du 28 août 1944 et ses conséquences pour la région et notre pays.
Il y a 80 ans, le bois de l’Abîme, entre Jannée et Pessoux a été le théâtre d’un événement majeur de la 2eme Guerre Mondiale dans notre région. Le 27 août 1944 ,140 résistants de l’AS sont rassemblés dans le bois, mais aux abords 2000 ennemis se sont regroupés, ils sont composés d’éléments de la Werhmacht, de la Feldgendarmerie, Légion wallonne et de SS flamands.
La veille, le groupe A du Secteur 5 de la zone 5 de l’AS, menés par le commandant Bodard est arrivé de Chevetogne dans ce bois.
Les hommes savent que l’ennemi va les attaquer, au matin du dimanche, les nazis ont tiré à la mitraillette pour faire croire à un encerclement. A 14h, l’attaque commence, ils vont tout de suite essuyer un feu très nourri et très précis de la part des résistants, qui vont causer chez eux les premières pertes, il va y avoir 187 morts du côté nazi et seulement si on peut dire 5 morts du côté des résistants. Il y aura également 6 résistants blessés, qu’ils récupèreront et 4 qui seront fait prisonniers et seront malheureusement envoyés dans les camps de concentrations dont ils ne reviendront pas.
Dès 17h, les résistants profiteront du brouillard pour quitter le bois et se rejoindront plus tard à Romsée pour se réorganiser. L’AS était très bien armé, avait reçu un entrainement militaire et a eu de nombreux faits à son actif, dont celui du sabotage du tunnel de la gare de Spontin où un train de carburant contenant plus de 300 000 litres de carburant destinés à la base militaire de Florennes a explosé, clouant au passage les avions de la Luftwaffe un certain temps.
Il y a presque 80 ans, que les premières troupes américaines entraient en Belgique, le 2 septembre 1944, ce sont les toutes premières qui arrivaient à Cendron, dans la Botte du Hainaut, du côté de Chimay. Le 3, ce sont les Anglais qui firent leur entrée à Bruxelles, le 4 à Anvers, le 5, les Américains libéraient Namur, le 6, ils étaient à Liège et le 7 les premiers blindés US font leur entrée à Ciney.
En une semaine, c’est donc tout le pays qui fêtait le retour de la liberté retrouvée, le goût des saveurs oubliées, comme le café ou le chocolat et en découvrait d’ailleurs d’autres, comme le chewing-gum et le Coca Cola, associés pour longtemps à l’Amérique. Mais est-ce pour autant la fin de la guerre, la fin de tous les maux ?
La guerre a traumatisé les populations, a mis leurs cœurs à rude épreuve, lorsque peu à peu les Allemands quittent la Belgique, le retour à la paix ne signifie pas pour autant la fin de tous les problèmes.
Après les scènes de liesse populaire, les défilés des résistants paradant dans les rues des villes et villages libérés, les bals et les flonflons sur les places publiques…Les tontes des collaboratrices, accusées de collaboration horizontale, pour la plupart d’entre elles, c’est presque toujours la même histoire, celle d’une Belgique occupée dans laquelle des jeunes filles, par insouciance ou inconscience, franchissent les interdits. Le chaos règne en ces premiers jours de septembre, certains aveuglés par la colère et la frustration accumulée pendant les années de guerre décident de se faire justice, on estime que les actes de vengeances font une centaine de victimes dans toute la Belgique
Le pays a beaucoup souffert, quantité d’infrastructures sont détruites, c’est l’heure des retrouvailles tant espérées avec parfois une réalité difficile, un mélange de tristesse et de deuil. Les habitants voulaient pouvoir honorer la mémoire de leur proche parti trop tôt et souvent trop jeunes.
Que dire également de nos prisonniers de guerre toujours déportés en Allemagne, si un grand nombre de PG, en particulier des soldats d’origine flamande sur les 225 000 partis en captivité, furent rapatriés quelques mois plus tard, au moins 70.000 restèrent enfermés jusqu’en 1945.
Et le plus dure reste à venir, si les Britanniques libèrent le Fort de Breendonk, tenu par la Sipo-SD, police secrète allemande, le 4 septembre 1944, entre Bruxelles et Anvers, dans la commune de Willebroek, le Fort est vide, il n’y a plus personne, les détenus sont envoyés en Allemagne dès la fin août dans les camps de concentrations, tout comme des milliers d’autre Belges, résistants, déportés politiques, déportés raciaux, ou otages...
Alors que les Belges pensaient enfin passer un Noël 44 enfin libéré de l’étreinte nazi, le 16 décembre, une nouvelle percée fulgurante des troupes du Reich frappe l’Ardennes, ce sont presque deux mois de combats acharnés, de privations et de souffrances sous la neige et dans le froid. La bataille des Ardennes a semé la destruction et la mort et fait plus de victimes civiles et militaires que le débarquement en Normandie.
Et maintenant me direz-vous … 80 ans après, c'est peu de dire que les rêves de la Libération sont malmenés. La guerre a éclaté à nouveau en Europe continentale. Pas une guerre froide, où l'affrontement par les armes demeurait un tabou. Non, une vraie guerre, une guerre de positions et son lot de mobilisations de conscrits, de soldats morts par milliers, de déclarations hostiles de plus en plus débridées entre chefs d'État de puissances mondiales.
Nous connaissons tous cette phrase, Ignorer notre passé, c'est être condamné à le revivre. En commémorant les combats de Jannée, nous nous souvenons des horreurs de la guerre et des luttes qui ont été menées pour notre liberté. Cela nous rappelle l'importance de rester vigilants et engagés pour préserver la paix et la démocratie. Il est essentiel de transmettre ces valeurs aux jeunes générations, car elles sont le fondement de notre société. En connaissant et en comprenant notre passé, nous pouvons construire un avenir meilleur. Ces commémorations sont bien plus qu'une simple cérémonie, c'est un moment de recueillement et de réflexion sur notre passé, mais aussi sur notre avenir. C'est l'occasion de rappeler aux jeunes générations l'importance de s'engager pour préserver notre liberté et de rester vigilants face aux conflits qui persistent dans le monde. En honorant ces maquisards et résistants qui ont sacrifié leur vie, nous leur rendons un hommage mérité et nous les remercions pour leur courage et leur dévouement.
Pendant l’appel aux morts avec, pour la première fois, la projection d’une photo de chacun, comme par hasard, deux Marchettis de la Force Aérienne sont passés au-dessus du Bois de Jannée !
Jean Germain, secrétaire de la section wallonne de toponymie et de dialectologie a lu, en wallon, un texte de son beau-père, Willy Bal (notamment professeur dans le Département de Langues et Littératures françaises et romanes à Leuven et Louvain) qu’il avait écrit 55 ans après avoir vu un soldat allemand mourir dans ses bras alors qu’il était chargé de ramasser les blessés et morts de chaque camp en Allemagne comme prisonnier.
Le titre de ce texte est Warum Krieg ? Poqwè l’guêre ?
Un texte lu par le jeune Ciryl Piot, la chanson du maquis sur l’air des ponts de Paris interprété par Pierre Dubois (habillé en maquisard) de la chorale de Sinsin et enfin, la présentation par Alain Piette de la réédition du livre Terrorisme en Condroz, carnet de campagne des 100 jours du Maquis en 1944, le dépôt de fleurs par des représentants de chaque commune et chaque groupement patriotique ont clôturé la cérémonie officielle.
Claude Clarembaux, avant l’exécution de la Brabançonne a remercié, la ville de Ciney (sans oublier Benoit Cornet pour la sonorisation), les portes drapeaux et les associations patriotiques voisines pour leur fidélité à ce rendez-vous, Michel Bourdeau et les Éditions VEZHAM pour la réimpression du livre Terrorisme en Condroz, la Confrérie du Franc Thour qui vous servira bientôt La Chevetogne, la Confrérie des Gentes Dames pour sa Tarte aux Macarons et l’ensemble de mon comité de la Royal Fraternelle Armée Secrète de Ciney, sans quoi rien de tout cela n’aurait été possible, et ici je voudrai spécialement remercier Monsieur J M Danzin qui a passé de très longues journées à l’ombre de ce monument pour rendre de la lumière avec ses pinceaux et sa dorure aux 22 maquisards ici présent.
Après le verre de l’amitié, près de 140 personnes se sont retrouvées, sous chapiteau, pour un excellent buffet entre terre et ciel à deux pas du monument, une première pour une commémoration à Jannée.